La Commission européenne cherche à débloquer les autorisations de cultures d’OGM dans l’Union européenne et, à cette fin, propose de laisser les gouvernements libres de les interdire sur leur territoire. Le commissaire à la santé, John Dalli, chargé de ce dossier sensible, a annoncé cette solution pour sortir de l’impasse et souhaite finaliser rapidement sa proposition pour lui donner une sécurité juridique, a indiqué vendredi 4 juin une source proche du dossier.

Il compte la présenter le 13 juillet, mais n’exclut pas de le faire dès la réunion de la Commission prévue le 7 juillet. Il a entrepris de consulter toutes les parties pour obtenir le plus large consensus. L’organisation Greenpeace, très critique contre "l’indigeste menu OGM concocté par l’apprenti marmiton José Manuel Barroso [président de la Commission européenne]", a salué "le droit pour les Etats et les régions de se déclarer libres d’OGM".

"Mais nous refusons que la Commission utilise cette proposition pour accélerer les autorisations de culture", a déclaré un de ses responsables, Marco Contiero. Trois demandes sont sur la table du commissaire pour les maïs BT 11, du groupe suisse Syngenta, BT 1507, du groupe américain Pionner, et MON 810, de l’américain Monsanto, pour la reconduction de leur autorisation.

"LES SEMENCES DE MONSANTO NE SONT PAS FAITES POUR L’UE"

Aucune nouvelle autorisation de cultures d’OGM n’est prévue dans l’immédiat, a fait savoir M. Dalli à ses interlocuteurs. Le commissaire a été échaudé par "les remous" causés par l’autorisation surprise en mars de la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora, du groupe de chimie allemand BASF. Les interdictions pourront couvrir l’ensemble du territoire du pays, ou seulement des régions, et concerner un seul ou plusieurs OGM. Elles n’auront pas besoin d’être avalisées par la Commission comme c’était le cas jusqu’à présent.

Un premier débat est attendu à l’occasion de la réunion des ministres de l’environnement les 10 et 11 juin à Luxembourg, avant même l’officialisation de ces propositions. Plusieurs pays s’inquiètent de la contamination des cultures traditionnelles ou biologiques par la dissémination des semences génétiquement modifiées et jugent que les avis de scientifiques pris en considération par Bruxelles pour les autorisations ne traitent pas de cet aspect.

"Il faut une expertise dans laquelle les gens ont confiance et des OGM adaptés aux spécificités de l’UE", a expliqué un diplomate européen. "Les semences de Monsanto ne sont pas faites pour l’UE. Elles ont besoin d’immenses espaces sans problèmes de coexistence ni de parcellisation des terres cultivables", a-t-il souligné.

"JE NE VOIS PAS L’INTÉRÊT POUR LA SOCIÉTÉ"

Sept pays, dont la France et l’Allemagne, ont interdit la culture du MON 810 en raison des risques de contamination des cultures traditionnelles et biologiques dans la zone de culture. Mais les gouvernements ne veulent pas fermer la porte aux OGM. "Peut-être demain apporteront-ils une solution en permettant de réduire les apports en eau et en intrants chimiques", avait expliqué début mars la secrétaire d’Etat à l’environnement, Chantal Jouanno. "Pour l’instant, je vois bien les intérêts financiers, mais pas l’intérêt pour la société", avait-elle ajouté.

Les cultures d’OGM sont en recul en Europe, victimes de la défiance de l’opinion publique et de leurs effets néfastes sur l’environnement. Les surfaces consacrées à la culture du MON 810 sont passées de 106 737 hectares en 2008 à 94 749 ha en 2009. Six pays seulement cultivent ce maïs génétiquement modifié : Espagne (76 000 hectares contre 79 000 ha en 2008), Portugal (5 000 ha, contre 4 000 ha en 2008), République tchèque (6 480 ha contre 8 000 ha), Roumanie (3 000 ha contre 6 000 ha), Pologne (3 000 ha) et Slovaquie (875 ha contre 1 900 ha).

Source : Lemonde.fr, le 4 juin 2010