L’Egypte vient d’autoriser la culture commerciale d’un maïs génétiquement modifié (Mon810 ), mais la communauté scientifique égyptienne est loin de soutenir ce choix de façon unanime [1].

La variété autorisée, appelée Ajeeb-YG, est le résultat du croisement du maïs Mon810 (appartenant à Monsanto) et d’une variété égyptienne de maïs (Ajeeb). L’autorisation a été donnée après plusieurs années d’essai en champ, et suite à l’avis positif du Comité national égyptien de Biosécurité (Egyptian National Biosafety Committee) et du Comité d’enregistrement des semences (Seed Registration Committe).

Les semences sont distribuées en Egypte par l’entreprise Fine Seeds International [2]. Mohammad Taeb, expert en transfert de technologie et ancien coordinateur du programme de recherche et de développement de la capacité humaine à l’Institut d’études supérieures de l’Université des Nations unies (basée au Japon) considère le partenariat avec Monsanto comme "un mécanisme de transfert de technologie des pays développés vers les pays en développement". Cependant, il précise que pour saisir cette opportunité, "les pays en développement ont besoin d’une capacité institutionnelle minimale pour pouvoir tirer avantage de ce transfert. Autrement, les entreprises viennent dans les pays en développement, empochent les bénéfices commerciaux et ne donnent rien en retour". En conséquence, "ce qui importe réellement est le savoir-faire technique utilisé pour élaborer le maïs ou le coton GM. Si ce dernier est transmis à l’Égypte, la présence de Monsanto est la bienvenue, [...]. Mais ce que j’ai pu constater dans les faits, c’est l’incapacité des pays en développement à absorber la technologie de pointe amenée par les groupes étrangers. Ce qui nous ramène au problème de la capacité institutionnelle des pays en développement à gérer le transfert de technologie".

Quant à Nagib Nassar, professeur égyptien de génétique et de sélection végétale à l’Université du Brésil, il voit dans l’interdiction de ressemer la récolte des grains GM une menace. Il explique que "les exploitants les plus humbles devront obligatoirement détruire les semences qui leur restent après le semis. Pour la récolte suivante, ils devront acheter de nouvelles semences à la multinationale. Or, lorsqu’ils détruisent les semences, ils détruisent également la variabilité génétique dont auraient pu profiter les futures récoltes". Ainsi, il s’attend à ce que la régénération des semences céréalières soit interrompue au niveau des villages égyptiens. Ceci aurait pour conséquence la rupture du cycle agricole, au cours duquel les exploitants stockent les semences pour les récolter à la saison suivante. [3]

Autre crainte évoquée par le chercheur, est l’effet de ce maïs Bt qui "risque, à l’échelle locale, d’affecter les abeilles, la faune et la flore sauvages, en particulier dans la zone du delta du Nil où l’on rencontre une vie animale et végétale dense ainsi qu’une forte présence humaine, et d’autre part, à l’échelle régionale, de contaminer des semences des pays voisins où le maïs Bt n’est toujours pas autorisé comme l’Éthiopie, le Soudan, la Zambie et d’autres".

Source : Info’GM, septembre 2008.





[1Intellectual Property Watch, 16 juin 2008

[2Fine Seeds International,
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Télécharger la note rédigée par l’USDA sur cette autorisation