Ce vendredi 4 juin, entre 8 et 12 000 paysans haïtiens se sont réunis à Hinche au centre du pays pour protester contre le gouvernement haïtien à qui ils reprochent de distribuer des semences hybrides de la firme multinationale Monsanto.

Dans le cadre du programme Winner, une initiative de l’agence publique américaine d’aide au développement USAID, Monsanto a déclaré donner 475 tonnes de semences hybrides de mais et de légumes à Haïti. Le ministère de l’agriculture haïtien a accepté ce « cadeau ». Au moins 130 tonnes de semences hybrides ont déjà débarquées sur l’île. [1]

Les semences hybrides sont des semences obtenues par croisements en vue d’augmenter les rendements, l ’utilisation d’engrais de synthèse et de pesticides y est associée. Ces semences hybrides produisent des grains qui ne sont pas réutilisables car cette semence de seconde génération a perdu ses caractéristiques Les semences doivent donc être rachetées tous les ans aux firmes semencières en l’occurrence Monsanto. Ce don constitue donc une opération commerciale juteuse pour Monsanto qui aurait un retour sur investissement rapide grâce à ces ventes.

Voila l’une des raisons pour lesquelles, les paysans haïtiens dénoncent vivement ce « don » comme étant un nouveau séisme pour le pays. Cette crainte est aussi relayée par des organisations paysannes ou environnementales à travers le monde.

Les paysans alertent sur les conséquences

Jean Baptiste Chavannes, coordinateur de du mouvement Paysan Papay (MPP) souligne les menaces pour la biodiversité et les semences locales qui pourraient être amenées à disparaitre du fait de l’introduction de semences hybrides. Le don de Monsanto est « une attaque contre l’agriculture paysanne, contre les fermiers, contre la biodiversité, contre les semences locales, contre ce qui reste de notre environnement en Haïti […] Nous devons nous battre pour nos semences locales »

Cela conduirait indéniablement à une dépendance accrue des paysans haïtiens vis-à-vis de Monsanto. Selon Chavannes "Le gouvernement haïtien utilise le séisme pour vendre le pays aux multinationales".

Un « Cheval de Troie » ?

 [2]

Dans un premier temps l’offre de Monsanto au ministère de l’agriculture haïtien était un don de semences OGM. Haïti n’a aucune loi réglementant leur utilisation, par conséquent le ministère de l’agriculture a décliné cette offre.

Néanmoins, l’absence de loi encadrant la culture d’OGM n’a pas toujours été un obstacle pour Monsanto à l’introduction de ses OGM. La Via Campesina au Brésil nous rappelle que dans les années 90, Monsanto a initié un marché de contrebande de semences et ainsi introduit clandestinement des semences OGM au Brésil [3] . Autre pays d’Amérique Latine, la Paraguay a connu le même sort, ces deux pays sont aujourd’hui respectivement 2ème et 7ème producteur d’OGM au monde [4] .

On peut donc légitimement craindre au vue de l’historique de Monsanto que ce « don » constitue une étape vers l’introduction future d’organismes génétiquement modifiés.

Des solutions existent

Au cours de cette journée, les manifestants vêtus de chemises rouges et des chapeaux de paille ont dénoncé l’action de leur gouvernement et de la firme Monsanto à coups de « A bas Monsanto » ou encore « A bas Préval » chef de l’actuel gouvernement haïtien. Au terme de leur marche et pour témoigner de leur opposition et de leur refus du cadeau empoisonné de Monsanto, ils ont brulé des graines de mais hybrides de Monsanto.

Pour voir des photos de la manifestation.

Les manifestants ont aussi symboliquement semé des grains de mais créoles pour témoigner de leur attachement aux semences locales véritable clé de voute de la souveraineté alimentaire du pays. Il y a moins de 30 ans, Haïti produisait 81% de sa nourriture et exportait même les surplus de riz. Les paysans haïtiens savent ce qu’ils doivent faire pour restaurer la souveraineté alimentaire du pays. Haïti doit pouvoir « définir ses propres politiques agricoles. Ces politiques doivent développer une agriculture vivrière pour nourrir les familles puis les marchés locaux, cultivant des produits sains dans le respect de l’environnement » selon Chavannes.

« Les Etats Unis doivent nous aider à produire, mais pas en nous donnant de la nourriture et des semences. En faisant cela, ils sont en train de ruiner nos chances d’être autosuffisants » conclut Jonas Duronzil, paysan haïtien travaillant au sein de la coopérative paysanne de la région des Verettes.

Pour plus d’infos
Consultez le site de la Vía campesina

Consultez la revue de presse (non exhaustive) des articles francophones parus sur le don de semences hybrides à Haiti par Monsanto.

Revue de presse

Source : Combat Monsanto, le 7 juin 2010





[1Thalles Gomes, « Haiti : Monsanto et le programme Winner »
http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article642&var_recherche=haiti

[2Jérôme Brisson, Le futur agricole d’Haiti selon l’américain Monsanto », Rue 89
http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article646&var_mode=calcul

[4Lire aussi « L’introduction clandestine des OGM au Brésil et au Paraguay »,
http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article36&var_recherche=paraguay