Le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt, que Rue89 s’est procuré, donnant à la France jusqu’à la fin de la prochaine session parlementaire pour se doter d’une loi qui transcrira dans le droit français la directive européenne 2001-18. Cette dernière impose notamment une meilleure information du public dans les procédures d’autorisation de dissémination volontaire et de mise sur le marché des OGM.

En pleine campagne pour les élections régionales, un débat parlementaire sur ce sujet risque de polluer légèrement les débats…

L’affaire remonte à mars 2007. L’élection présidentielle approche et la Cour de justice des communautés européennes menace de sanctionner la France si elle persiste à ne pas retranscrire dans son droit national cette fameuse directive 2001-18, applicable à tous les Etats européens, au nom de la supériorité du droit européen sur les droits nationaux.

Pour faire vite, le gouvernement de Villepin fait passerun décret, celui-là même qui est jugé illégal aujourd’hui.

A ce moment-là, au nom du Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (Criigen), l’avocate Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement, avait saisi le Conseil d’Etat pour faire annuler ce décret. « L’information du public, c’est notre leitmotiv au Criigen », rappelle-t-elle.

Aujourd’hui députée européenne Modem, elle ne se doutait pas que le conseil d’Etat mettrait plus de deux ans à rendre son arrêt… et qu’il tomberait dans un nouvel agenda politique peu favorable pour le gouvernement. Contactée, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno est encore en vacances et ne s’est pas encore exprimée.

« Au gouvernement d’assumer la responsabilité d’une loi spécifique »

Le Conseil d’Etat a donc donné raison à l’association le 24 juillet dernier, et annulé le décret de 2007. L’autorité administrative donne au gouvernement jusqu’au 30 juin 2010, date de la fin de la prochaine cession parlementaire, pour se doter d’une loi conforme à la législation européenne.

L’information est passée totalement inaperçue en raison des congés estivaux, mais elle ne manquera pas de s’inviter à l’agenda médiatique des prochains mois.Corinne Lepage en est certaine, cela ne devrait « pas passer inaperçu ». « Au gouvernement d’assumer la responsabilité d’une loi spécifique ».

Dans ses arguments, le Conseil d’Etat s’appuie notamment sur le code de l’environnement, citant son article L. 125-3 :

« Toute personne a le droit d’être informée sur les effets que la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés peut avoir pour la santé publique ou l’environnement, dans le respect de la confidentialité des informations protégées par la loi. »

Le risque juridique était assez évident depuis 2007, mais le gouvernement Villepin savait qu’il ne serait plus là le jour où son décret serait retoqué… De fait, c’est à d’autres responsables politiques d’assumer ce pétard resté fumant pendant deux ans.

Risque d’amende si le gouvernement faisait la sourde oreille

Désormais, si le gouvernement faisait la sourde oreille, la France serait condamnée par l’Europe et devrait payer une lourde amende (puisque l’infraction date de deux années). Pour Arnaud Gossement, avocat associé de Corinne Lepage et porte-parole de France Nature Environnement :

« Il est difficilement imaginable que ce texte soit voté dans le cadre de la loi Grenelle 2 (qui arrive au Parlement à l’automne) qui comporte déjà 104 articles, et parce que cela risque de phagocyter tout le débat. Sans compter que tout ce qui est dans la loi Grenelle 2 est censé avoir déjà été discuté lors du Grenelle de l’Environnement. »

Corinne Lepage se félicite également d’une nouveauté consacrée par le Conseil d’Etat : l’obligation de suivi des cultures OGM a posteriori, notamment dans le cas où celles-ci auraient des effets sur la santé.

Ainsi, toute personne souhaitant se lancer dans la culture d’organismes génétiquement modifiés devra donner toutes les informations à l’administration, préciser le but et le lieux exacts, « les méthodes et plans de suivi des opérations et d’intervention en cas d’urgence, l’évaluation des effets et des risques pour l’homme et l’environnement. »De quoi ralentir les (éventuels) apprentis sorciers…


Source
 : Rue 89, par Sophie Verney-Caillat , le 18 aout 2009.