La Commission européenne devrait proposer d’autoriser de nouveau le glyphosate pour dix ans. C’est en tout cas le sens d’un projet de réglement d’exécution, dont Le Monde a obtenu copie, et qui sera soumis au vote des Etats membres, les 18 et 19 mai.

A Bruxelles, on ne souhaite pas commenter cette version de travail, mais on précise que « les discussions se poursuivent avec les Etats membres pour parvenir à une proposition qui sera adoptée à une majorité qualifiée ». Les 7 et 8 mars, une proposition de réautorisation de quinze ans n’avait pas été votée en comité, faute d’une telle majorité.

La France en particulier s’y était opposée. Contacté par Le Monde, l’entourage de la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, confirme que « Paris restera opposé à une remise en selle du glyphosate pour dix ans ».

L’homologation du glyphosate — le pesticide le plus utilisé au monde, le plus fréquemment retrouvé dans l’environnement et la molécule active du célèbre désherbant Roundup — arrive à son terme le 30 juin et la question de sa réautorisation est au centre d’une vive polémique. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) — l’agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) chargée d’évaluer et d’inventorier les causes de cancer — a en effet classé la substance comme « cancérogène probable » pour les humains. Le processus européen de réévaluation de la molécule était alors en cours et s’est achevé en octobre de la même année, concluant au contraire que le potentiel cancérogène de la molécule était « improbable ».

Aucune restriction d’usage

L’affaire est au centre d’une attention médiatique et politique considérable. Le 13 avril et pour la première fois de son histoire, le Parlement européen s’est autosaisi d’une question aussi technique que l’homologation d’une molécule phytosanitaire. Il a voté en séance plénière une résolution demandant une réautorisation de la substance restreinte à sept ans et assortie de nombreuses restrictions (interdiction d’utilisation par les particuliers et les collectivités, restriction de certains usages agricoles, etc.).

Au contraire, le projet de règlement d’exécution consulté par Le Monde n’intègre aucune de ces restrictions. Il précise que certains coformulants (les substances qui renforcent l’efficacité du glyphosate) seront interdits (dits POE-tallowamines) et qu’une liste de ces adjuvants dangereux devra être établie par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en coopération avec les Etats membres et la Commission.

Perturbateurs endocriniens

« Le projet est une vaste plaisanterie sur tous les plans, tempête la députée européenne Michèle Rivasi (EELV). Ce projet persiste et signe à ne pas seulement autoriser le glyphosate comme herbicide mais aussi de traiter les plantes avant la récolte pour accélérer le processus de maturation. » Cet usage, qui consiste à appliquer le produit sur les cultures qui seront consommées, est celui qui expose le plus la population. La résolution adoptée par les eurodéputés avait jugé « inacceptable, tant pour la protection de la santé humaine que de l’environnement, de recourir à un herbicide non sélectif à de telles fins ».

« La Commission demande aux entreprises qui vendent des produits à base de glyphosate d’apporter les données qui prouvent que cette substance n’est pas un perturbateur endocrinien, poursuit Mme Rivasi. C’est un non-sens total. La Commission et les Etats membres sont prêts à réapprouver cette substance sans savoir si elle est un perturbateur endocrinien et en faisant confiance aux industriels pour leur apporter des éléments objectifs, mais seulement après la décision de renouvellement ! »

De leur côté, les industriels commercialisant des pesticides à base de glyphosate contestent le classement du produit par le CIRC comme « cancérogène probable » et assurent que cette substance est l’herbicide au meilleur profil toxicologique actuellement disponible.

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Source : Stéphane Foucart, pour le Monde, le 22 avril 2016.