Une histoire illustre l’attitude de Monsanto face au respect de l’environnement et des populations souffrant de la dégradation de leur milieu naturel. Il s’agit de la tragédie d’Anniston (Alabama), la ville où fut produit le PCB de Monsanto pendant un demi-siècle entraînant une pollution sans précédent et la quasi-désertion de la ville.

D’après les chiffres fournis par l’Agence Américaine de Protection de l’Environnement (étude EPA) 308.000 tonnes de PCB ont été produites sur le site d’Anniston. Sur ce total, 27 tonnes ont été émises dans l’atmosphère, notamment lors du transfert du PCB brûlant dans des réservoirs divers, 810 tonnes ont été déversées dans des canalisations d’évacuation des eaux terminant dans le canal de Snow Creek et 32000 tonnes de déchets contaminés ont été déposés dans une décharge à ciel ouvert, située sur le site de production alors même que l’usine est proche de quartiers résidentiels. La population n’a jamais fait l’objet d’attention ou été avertie des risques qu’elle encourait en vivant à proximité de l’usine chimique de Monsanto, comme le prouve une lettre de M.Papageorge de 1975.

Ce n’est qu’après 1995 qu’un comportement suspect de la firme attire l’attention d’un avocat local, Donald Stewart, car la firme tentait de racheter l’église et les maisons proches de son usine en échange de la promesse de ne jamais la poursuivre en justice. L’avocat local demande l’assistance du cabinet New Yorkais Kasowitz et Benson, célèbre pour son action contre l’industrie du tabac. Une plainte est ouverte sous le nom de « Abernathy vs Monsanto ». Le juge en charge de l’affaire ordonne alors à Monsanto d’ouvrir ses archives internes que l’on peut retrouver sur le site de Environmental Working Group. Les divers rapports internes mis à jour sont accablants pour Monsanto et prouvent sa parfaite connaissance des dangers du PCB.
On peut découvrir par exemple les résultats d’analyses scientifiques sur les eaux du canal de Snow Creek, qui traverse Anniston, où étaient déversés les déchets de fabrication des PCB.

L’expérience consistait à plonger 25 poissons dans les eaux du canal, les résultats sont sans appel : « tous ont perdu l’équilibre et sont morts en trois minutes et demi en crachant du sang », le scientifique conclura « Snow Creek est une source potentielle de problèmes légaux futurs... ».
En 1969, alors que les suspicions continuent d’enfler à l’encontre des PCB et de Monsanto, une note du comité de direction éclaire sur la position du groupe à cet instant critique, on peut ainsi y lire « face à cette situation d’urgence qui met en danger une ligne de produits très rentable, il faut dégager des moyens financiers et humains pour se protéger... » (Voir dernière page durapport confidentiel). Monsanto préfère ainsi se préparer à l’éventualité d’un procès futur plutôt que de retirer ses PCB toxiques.

Une instruction sera ouverte dans le cadre du proces "Abernathy v. Monsanto". Ce procès sera long mais très instructif sur les méthodes de la firme comme le prouve les nombreuses pièces à conviction accablantes pour Monsanto et sa filliale PCB Solutia.
« Malgré l’épaisseur du dossier scientifique, les documents internes et les témoignages, les industriels de Saint-Louis ont continué de nier la responsabilité de la firme dans le désastre écologique et sanitaire d’Anniston », commente le professeur Carpenter, cité comme expert scientifique lors du procès.
Les dirigeants de Monsanto comparaitront à la barre dont Papageorge le "tsar des PCB" dont voivi une extrait de sa déclaration :
« Est-ce que Monsanto a informé les habitants d’Anniston que, chaque jour, l’usine relâchait 27 livres de déchets provenant de la fabrication d’Aroclor ?, interroge le juge.
– Il n’y avait aucune raison de le faire, ces quantités étaient insignifiantes, répond William Papageorge.
– La réponse est donc non ?
– Exact.
– Est-ce que quelqu’un a informé les habitants que Monsanto testait Snow Creek et Choccolocco Creek pour déterminer les effets des PCB sur l’eau des canalisations provenant de l’usine ?
– C’est comme si vous demandiez à un garagiste d’informer ses voisins que sa station-service émet de l’huile de moteur sur le trottoir, ce serait complètement non productif…
– La réponse est non ?
– Ouais…
– Est-ce que Monsanto a fourni des informations aux habitants d’Anniston concernant les risques que posent les PCB pour la santé humaine ?
– Pourquoi aurions-nous dû le faire ? »

Le verdict du cas « Abernathy v. Monsanto » tombera le 23 février 2002, le jury déclare Monsanto et Solutia coupables d’avoir pollué « le territoire d’Anniston et le sang de sa population avec les PCB » [1].Les dommages et intérêts sont fixés à 700 millions de Dollars, les plus important qu’ait eu à payer une compagnie industrielle dans l’histoire des Etats-Unis. La somme sera partagée parmis les 3516 plaignants, dont 15% présentaient des taux supérieur à 20ppm dans le sang alors que le taux acceptable est de 2ppm, un des plaignants David Baker avait un taux de 341ppm...

D’après des estimations concordantes, 1,5 millions de tonnes de PCB ont été produite dans le monde de 1929 à 1989, dont une partie importante aurait fini dans l’environnement. Les PCB sont partout et constituent un cauchemar pour les citoyens mais aussi pour Monsanto, puisque sa filiale Solutia a été déclarée en faillite en 2003, à cause notamment des litiges et dédommagements à verser. En janvier 2003, le département environnement d’Oslo infligeait une amende de 7 millions d’euros à Bayer, Kaneka et Solutia pour avoir contaminé le fjord où est installé le port avec des PCB, utilisés dans la peinture des bateaux. En janvier 2006, 590 salariés de General Electric de New York portaient plainte contre Monsanto pour contamination aux PCB. En 2007 la France découvrait que le Rhône était hautement pollué au PCB, à qui incombera la faute cette fois ?





[1Anniston Star, 23 février 2002