Le 3 novembre, le Comité économique, éthique et social (CEES) du Haut conseil des biotechnologies (HCB) a rendu public ses recommandations sur la définition des filières dites « sans OGM ». Cette recommandation vaut avis pour le HCB et il reviendra dans les mois à venir au gouvernement d’arrêter cet étiquetage.

Très attendu, cet avis intervient conformément à l’article 2 de la loi du 25 juin 2008 sur les OGM [1], qui prévoit que les OGM ne peuvent être utilisés que dans le respect « des filières de productions et commerciales ’avec’ ou ’sans OGM’ ».

Le CEES estime avoir réussi cet exercice car, comme le précise sa présidente, Christine Noiville, « ce travail imposait d’atteindre un compromis du fait des exigences variées, voire opposées, des différents acteurs à l’image des consommateurs souhaitant pouvoir consommer sans OGM et des producteurs souhaitant pouvoir produire avec OGM ».
Le CEES propose une possibilité d’étiquetage volontaire pour valoriser l’absence de produit OGM et fournit des recommandations pour trois types de produits alimentaires :
les produits végétaux (ex. polenta, tofu, etc.) ;
les produits issus d’animaux (viande, œufs, lait, etc.) ;
et les produits issus de l’apiculture (miel, gelée royale, propolis, etc.).

Les produits végétaux devraient être étiquetés « sans OGM » dès lors qu’ils contiennent moins de 0,1% d’ADN transgénique (seuil de quantification), et qu’ils sont « susceptibles d’être génétiquement modifiés ou contenant des produits susceptibles d’être génétiquement modifiés ». Ainsi, on ne peut pas étiqueter « carotte râpée sans OGM » car il n’y a pas de carotte GM sur le marché européen. A l’heure actuelle, en vertu d’une note de la DGCCRF [1] ne peuvent être étiquetés « sans OGM » que les produits qui garantissent une présence d’OGM inférieure au seuil de détection (0,01%). Le seuil proposé par l’avis est donc plus élevé que le seuil très strict actuellement en vigueur mais, selon le HCB, il correspond à « une définition techniquement réalisable et socialement acceptable ».

Pour les produits issus d’animaux, le HCB propose une mention « nourri sans aliments OGM », pour le bétail alimenté sur toute sa vie avec des produits contenant moins de 0,1% d’ADN transgénique. Cependant, le HCB recommande la mise en place d’un étiquetage spécifique dont la formulation devra être établie par les pouvoirs publics pour la « zone grise », entre 0,1 et 0,9% de présence d’ADN transgénique, c’est à dire pour les animaux nourris avec des végétaux non étiquetés OGM ni « sans OGM ». « Cette possibilité permettrait aux opérateurs utilisant des aliments non étiquetés OGM de valoriser leurs efforts, tant que l’Union européenne ne sera pas autonome en matière de production de protéines pour l’alimentation animale », précise l’avis. En effet, à l’heure actuelle, les élevages français sont fortement dépendants des importations de soja en provenance du continent américain, lequel est certifié « non OGM » en dessous de 0,9% de présence d’OGM. 

Mais l’avis précise deux points importants :
cet étiquetage devra être distinct de l’étiquetage « nourri sans aliment OGM » « afin d’induire le moins de confusion possible dans l’esprit des consommateurs » ;
et « un plan de progrès permettant d’obtenir un seuil significativement plus bas devrait être mis en œuvre dès la mise en place de cet étiquetage » afin que le 0,9% ne deviennent pas une norme intangible.
A l’heure actuelle, le caractère extrêmement strict de la réglementation (1) conduit à ce qu’aucun produit issu d’animaux ne puisse être étiqueté « sans OGM », en dépit les efforts de certaines filières animales.

Pour les produits issus de l’apiculture, le « sans OGM » devrait être fondé non pas sur un seuil de présence d’ADN mais « conventionnellement » sur une distance entre le rucher et les cultures d’OGM. Le CEES demande donc aux pouvoirs publics de saisir le Comité scientifique du HCB pour qu’il lui propose une telle distance.

En arrière plan de cet avis, se profile la question de la répartition des coûts d’une production « sans OGM », et donc de la viabilité des filières sans OGM. Ces coûts doivent reposer sur la filière elle même ? Sur les producteurs d’OGM ? Sur l’ensemble de la profession ?

Le HCB précise dès le début du texte qu’une analyse économique s’impose sur cette question, et cela risque de déclencher des débats assez houleux.

L’avis du HCB est maintenant rendu. La balle est dans le camp des pouvoirs publics qui devront se saisir de cet avis et légiférer par voie règlementaire sur les étiquetages proposés. Si l’on suit l’avis du CEES, les pouvoirs publics vont donc devoir :
définir la formulation de l’étiquetage des produits animaux compris dans la zone grise de 0,1% et 0,9% ;
saisir le comité scientifique du HCB pour définir quelle distance servira d’étalon à l’étiquetage des produits apicoles ; et organiser une communication autour de cet étiquetage afin de le rendre compréhensible par le grand public.

Par ailleurs, le CEES précise que les impacts d’un tel étiquetage sur la coexistence des filières seront étudiés dans le cadre d’une saisine du HCB que le gouvernement ne devrait pas tarder à lui adresser, selon Christine Noiville.

Source : Anne Furet, Christophe Noisette, Infogm, novembre 2009





[1DGCCRF, note d’information n°2004-113 du 16 août 2004