Le 15 octobre, le gouvernement mexicain a autorisé pour la première fois des essais de maïs transgénique sur son territoire. Le gouvernement mexicain a donné son accord pour 22 essais expérimentaux de mais transgénique appartenant à plusieurs firmes agrochimiques dont Monsanto.

Or, de nombreuses voix de la société civile, des milieux scientifiques et techniques et du monde paysan s’élèvent contre cette autorisation et les enjeux qu’elle soulève quant à la préservation de la biodiversité de cette culture et face aux questions de souveraineté alimentaire.

L’annonce des essais de maïs transgéniques suscite de vives réactions bien que le gouvernement mexicain ait annoncé des mesures strictes de confinements et de biosécurité pour ces essais. Certains estiment que les risques encourus sont disproportionnées et inutiles.

La contamination

La contamination est un des problèmes évoqués. En effet, il est quasiment impossible de maintenir deux filières, OGM et non OGM, complètement étanches [1]. Cela nécessiterait des investissements très importants pour assurer des filières distinctes de stockages des semences, des récoltes, deux filières de transport, de transformations…
Les nombreux cas de contamination sont un bon indicateur de cet état de fait [2]. Notons par exemple que le maïs mexicain a été victime en 2001 d’une contamination génétique à Oaxaca. Cette contamination était illégale puisque le Mexique n’avait alors autorisé aucun essai de mais OGM. Le gouvernement espagnol, seul pays européen à s’être engagé à grande échelle dans la culture commerciale de mais OGM, a lui aussi reconnu son impuissance et l’existence d’agriculteurs victime de contamination par du mais OGM. 

Comment dès lors le Mexique peut il assurer qu’il n’y aura pas de cas de contamination ?

L’UCCS, l’union des scientifiques engagés pour la société* [3] annonce qu’ « étant donné la complexité structurelle du réseau de distribution du mais indigène au Mexique, fruit de l’échange, de la distribution informelle de semences et de transfert génétique par la pollinisation, il est pratiquement impossible d’instaurer un système de contrôle qui soit fiable qui permette la ségrégation des lignes mais OGM et non OGM à un niveau minimum acceptable ». [4]

La perte de biodiversité

Or cette contamination serait d’autant plus grave que le Mexique est le pays d’origine du maïs. Le Mexique constitue la région du monde ou le maïs a été créé à la suite de la domestication d’une plante, la teosinte, il y’a plus de 6000 ans.

Le Mexique est aussi le centre de diversité de cette culture, la région ou l’on retrouve la plus grande diversité de cette espèce. Cette diversité est le fruit d’un héritage multi générationnel. Les semences et les graines de maïs sont le fruit d’un long travail de croisements pour une meilleure adaptation au milieu. Selon Silveira Ribeira, chercheur à l’ETC group, « l’inévitable contamination transgénique qui va se produire à court et long terme, va sérieusement affecter le réservoir génétique du maïs pour tout le globe ». [5] . La décision d’introduire ou non du maïs génétiquement modifié n’affectera donc pas seulement le Mexique.

La souveraineté alimentaire en péril

Outre les risques de contamination et de perte irréversible de diversité, l’introduction de mais OGM pose des questions quant à la souveraineté alimentaire du pays. Le maïs constitue pour les Mexicains la base de l’alimentation. Lors des « émeutes de la faim » de 2009, le prix du maïs pour l’alimentation avait doublé, notamment du fait de la transformation du maïs en produits autre qu’alimentaires. Une des craintes exprimée est de voir une part grandissante de la production vouée à la fabrication d’agrocarburants, de plastiques… et donc à nouveau une hausse des prix du fait de la pression de la demande.

Le brevetage des semences de mais OGM constitue également une atteinte aux droits des paysans mexicains et un surcoût qui selon plusieurs observateurs, d’un strict point de vue économique, n’est pas rentable dans le contexte mexicains où 85% des presque deux millions d’agriculteurs cultivent moins de 5 hectares [6].

Silveira Ribeira remarque également que l’annonce du gouvernement mexicain s’est faite la veille de la journée mondiale de l’alimentation et du lancement de la campagne mondiale de la Vía Campesina contre Monsanto. La firme de Saint Louis est le leader mondial des semences génétiquement modifiés et de l’herbicide qui accompagne ces semences. Beaucoup la considère comme l’ennemi de la souveraineté alimentaire [7]

L’autorisation accordée par le gouvernement de Calderón concerne 22 essais expérimentaux et non des autorisations commerciales pour l’instant. Néanmoins, l’UCCS s’indigne dans une lettre au président mexicain de la poussée législative pour la libération de maïs transgénique que constitue la modification au règlement de la loi sur la biosécurité sur les OGM dans le journal officiel de la Fédération (6 mars 2009).
 [8]

Cette modification rend désormais impossible le régime spécial de protection du maïs dont le but était de sauvegarder la diversité génétique local, sauvage et/ou de variétés cultivées de mais (ou autres plantes) ayant leur origine ou diversité au Mexique. Cela ouvre donc grand les bras au maïs transgénique qui jusque là faisait l’objet d’un moratoire.

Rien ne justifie que l’on vienne maintenant briser ce moratoire. « Toutes les raisons qui ont menées à l’instauration du moratoire sont toujours présentes aujourd’hui ou se sont aggravés » nous dit Silveira Ribeira, « Il n’existe aucune raison pour planter du mais transgénique au Mexique : cela implique d’énormes risques et n’a aucun avantage » [9]

Nadège Le Mabec
Combat Monsanto, le 3 novembre 2009





[1Voir l’article de synthèse sur le rapport Coextra http://blogues.greenpeace.ca/?p=1292

[2Voir le site de Gene watch http://www.genewatch.org/sub-530852

[3*la Union de los cientificos comprometidos con la sociedad http://www.unionccs.net

[7Lire Marie-Monique Robin, Le Monde selon Monsanto, la découverte, 2008
http://www.viacampesina.org/main_fr/index.php?option=com_content&task=view&id=453&Itemid=1