Le début de l’année 2009 débute en fanfare pour Monsanto avec l’annonce du doublement de ses bénéfices pour l’année 2008 et la mise sur le marché d’un maïs OGM résistant à sécheresse d’ici 2010.

Dieu soit loué, Monsanto de St louis est parmi nous pour braver toutes les crises ! Quand certains médias reprennent une dépêche AFP [1] tout droit sortie des services des « Relations Publiques » de Monsanto, nous revenons sur ces annonces bruyantes pour analyser la véritable stratégie de la firme de St Louis.

Un maïs résistant à la sécheresse pour qui ?

Monsanto vient d’annoncer la mise sur le marché d’un nouveau maïs résistant à la sécheresse d’ici à 2010. La firme déclare que « les essais en plein champ de ce maïs réalisés l’année dernière dans les plaines du Midwest ont atteint ou dépassé l’objectif d’une amélioration de 6 à 10% des rendements [...] dans les périodes où l’approvisionnement en eau est restreint, en atténuant les effets du manque d’eau sur le plant. » [2]

La première question qui vient à l’esprit est de comprendre ce que l’on entend par sécheresse. Parle-t-on d’une sécheresse occasionnelle entraînant une baisse des approvisionnements en eau pour les cultures sur une courte période, comme celle touchant les pays tempérés, tels les Etats-Unis et l’Europe ? Ou bien parle-t-on de sécheresses chroniques sous des climats semi-arides ou arides comme celles ravageant régulièrement les cultures africaines ?

Le communiqué de Monsanto nous en apporte une première réponse, ce maïs résistant à la sécheresse a été développé pour les agriculteurs des Grandes Plaines américaines du Midwest, la fameuse « ceinture du maïs », produisant déjà parmi les plus hauts rendements du monde. Ainsi comme l’analyse dans la revue The Ecologist le Pr. Jack Heinemann, biologiste moléculaire et expert pour l’ONU sur les questions de biotechnologie : « Les sujets les plus attrayants dans la recherche sur la résistance à la sécheresse [i.e : pour les firmes de biotech] sont les plantes cultivées dans des environnements uniformes de monocultures parce qu’elles peuvent être vendues sur les grands marchés » [3].

25 ans de promesses.

Monsanto, en bon samaritain, voudrait une fois de plus nous convaincre que cet OGM soit disant résistant à la sécheresse sera la solution pour les paysans des pays du Sud, une sémantique répétitive depuis la découverte des OGM dans les années 80 [4].

Ne nous laissons pas abuser par ce double langage trompeur, ce maïs de Monsanto est destiné aux agriculteurs américains, ceux la même qui sont susceptibles d’amortir le coût de la technologie en payant les royalties sur la propriété intellectuelle.

D’ailleurs ce maïs jaune américain a deux utilisations principales. D’une part l’alimentation animale du bétail en batterie, vivant parqué sur des espaces réduits, et de l’autre coté la production d’agrocarburant à l’éthanol, largement subventionnée par l’administration Bush.
On comprend donc qu’une chute de la productivité du maïs par une sécheresse se répercuterait par une hausse des cours du céréale et donc, en fin de chaîne, par une hausse des prix de la viande et du carburant, de quoi froisser le consommateur américain.

En réalité, cette stratégie de communication vise à promouvoir l’acceptation des OGM auprès des décideurs et des consommateurs du Nord en jouant sur la corde sensible afin de conquérir de nouveaux marchés. Par ailleurs, les firmes de biotech - dont Monsanto - ciblent aussi l’Afrique dont l’enjeu économique est l’introduction des semences de coton Bt insecticides, celles-la mêmes qui ont fait le malheur des cotonculteurs Indiens.

Ce que nous réserve vraiment Monsanto.

Cette annonce bruyante de la mise sur le marché prochaine d’un maïs résistant à la sécheresse n’est qu’un écran de fumée pour masquer le véritable plan commercial de Monsanto pour l’année 2009. En effet Monsanto prévoit de sortir une nouvelle génération d’OGM multi-traits, c’est à dire auxquels on a ajouté, non plus un gène comme pour les OGM actuels, mais bien plusieurs gênes combinant différentes propriétés. Cette technologie, dénommée SmartStax, a été développée par Monsanto en partenariat avec son homologue Dow Chemicals, qui fut déjà son associé dans la production de l’Agent Orange. Au total cette nouvelle cassette génétique Smartstax pour le maïs, mais adaptable au soja, comporte pas moins de huit gênes permettant de produire à la fois différents insecticides contre les parasites (les gênes insecticides Herculex® I et Herculex RW de Dow AgroSciences ; les gènes insecticides YieldGard VT Rootworm/RR2™ et YieldGard VT PRO™ de Monsanto) mais aussi de rendre la plante résistante aux herbicides Roundup et Libertylink de Monsanto. [5]

Aucune allusion à cette nouvelle technologie n’est faite sur le site internet de Monsanto en France maisle site américain est lui plus bavard, ainsi on y apprend qu’« Actuellement les sélectionneurs de maïs de Monsanto sont en train de sélectionner des hybrides pour leur habilité à supporter le stress de la sécheresse typique des Grandes Plaines de l’Ouest Américain. Le but est de combiner à la fois le trait biotech de la résistance à la sécheresse avec un germoplasme adapté en combinaison avec notre produit Smartstax, qui est lui aussi en phase III » [Phase de prélancement et de demande de mise sur le marché dans le cycle R&D de Monsanto ] [6]

Il convient également de souligner, que Monsanto vient d’obtenir l’autorisation de l’EPA, l’Agence de Protection de l’Environnement Américaine, pour que les zones « refuges » sans OGM pour les insectes soient réduites à 5% contre 20% auparavant, ce qui constitue une véritable mise en péril de l’écosystème rural. [7]

Enfin concernant le gène de résistance à la sécheresse, si tant est qu’il existe, il ne sera malheureusement pas disponible en dehors du paquet technologique Smartstax combinant des gênes insecticides et de résistance aux herbicides Roundup. La nouvelle n’est pas de moindre importance puisque la technologie Smartstax sera la première cassette génétique pour plantes GM multi-traits, combinant une multitude de protéines, pour certaines toxiques, et dont on ne maîtrise pas a priori les possibles recombinaisons chimiques.

Vendre du Roundup, le « super blockbuster » de Monsanto.

Le véritable but de Monsanto est de continuer à vendre du Roundup, son « super blockbuster » comme l’indique leur site, en diffusant le plus largement possible ses OGM Roundup Ready. C’est d’ailleurs le secret du succès économique de Monsanto pour l’exercice 2008. L’année dernière Monsanto a plus que doublé ses bénéfices pour atteindre 2,2 milliards de dollars, une performance due à l’augmentation du prix de vente du gallon de Roundup qui est passé de 11-13 US$ à 20 US$. En Bourse, après l’annonce des résultats, le titre Monsanto a bondit de 9,75% à 80,60 dollars en une journée. [8]

Monsanto n’est pas prêt de se tirer une balle dans le pied en développant des semences résistantes à la sécheresse ou à la salinité du sol pour les pays du Sud pour la bonne raison (financière) qu’elles seraient rapidement piratées et partagées gratuitement entre paysans sans paiement de royalties pour la compagnie. Cela fait 25 ans maintenant que l’on entend le même discours sans avoir vu l’ombre d’une seule de ces plantes « miracles » [9]. En revanche les effets toxiques et cancérigènes du Roundup, et des pesticides en général, deviennent une réalité indéniable, et pourtant nos dirigeants voudraient nous imposer les OGM de Monsanto et son Roundup au nom d’un certain progrès. De quel progrès parle-t-on ? Celui de la valeur des actions Monsanto !

Benjamin Sourice
Combat Monsanto , le 20 janvier 2008

 

 Vers le maïs résistant à la sècheresse ? , le Figaro, 07/01/2009

[2Vers le maïs résistant à la sècheresse ? , le Figaro, 07/01/2009

[3Desert grain, Prof Jack Heinemann, The Ecologist, 01/11/2008

[4Made by Monsanto : the corporate shaping of GM Crops as a technology for the poor, Dominic Glover, STEPS Center, Netherlands, 2008

[5Farm Industry News, septembre 2008

[6R&D Pipeline, SmartStax Corn, Monsanto’s website

[7R&D Pipeline, SmartStax Corn, Monsanto’s website

[8Bénéfice record pour Monsanto fin 2008, Financial MSN, janvier 2008

[9Desert grain, Prof Jack Heinemann, The Ecologist, 01/11/2008