Dans quelles conditions et à quel prix les filières agricoles OGM et sans OGM pourraient-elles cohabiter en Europe ? Le programme Co-Extra, dont les conclusions ont été rendues publiques à Paris, du mardi 2 au jeudi 4 juin, apporte des réponses surprenantes à cette question. Des réponses qui seront décortiquées dans les pays de l’Union européenne (UE), que la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM) y soit autorisée ou qu’elle ait été suspendue, comme c’est le cas en France.

Plus de 200 chercheurs de dix-huit pays ont participé à ce programme d’une durée de cinq ans, doté d’un budget de 22 millions d’euros.

Contrairement à ce qu’affirment les promoteurs des OGM, en particulier certains producteurs de maïs, la cohabitation des filières sur le terrain apparaît complexe à mettre en oeuvre. "La coexistence à l’échelle de l’exploitation agricole est impossible, affirme ainsi Yves Bertheau, coordinateur de Co-Extra. Le seuil officiel à respecter pour une production "sans OGM" est de 0,9 %, mais, pour être sûr de s’y conformer, les opérateurs de la filière agroalimentaire appliquent une marge de sécurité et exigent des matières premières agricoles dont la teneur en OGM est plus faible, en général de 0,1 %."

Dans ces conditions, et vu la petite taille des exploitations agricoles en Europe, de "grandes distances d’isolement" entre les champs seraient nécessaires si la culture des OGM s’y développait. Les chercheurs ont mis au point des modèles permettant d’évaluer ces distances en fonction de divers paramètres : espèces cultivées, taille des champs, géographie locale, sens du vent... Pour le maïs, dont le pollen est pourtant réputé peu volatil, la distance requise peut atteindre 300 mètres pour respecter le seuil de 0,1 %.

SEUIL DE PURETÉ

Ce n’est qu’un exemple. "Certains pollens voyagent jusqu’à 30 kilomètres", précise Yves Bertheau. La création de zones spécialisées serait alors la seule option. "On peut imaginer que tout le monde s’entende sur un territoire, et qu’un bassin de production soit OGM ou sans OGM", poursuit le chercheur. Mais la décision sera-t-elle prise sur la base du consensus entre agriculteurs, à la majorité, à l’unanimité ? "Cela reste à définir", affirme-t-il.

La dissémination du pollen n’est pas la seule source potentielle de "présence fortuite" d’OGM dans les productions conventionnelles. La pureté des semences est un facteur crucial pour limiter ce risque. Selon les résultats de Co-Extra, le seuil de pureté (qui n’est pas encore défini au niveau européen) devrait être fixé à 0,1 %.

Le stade de la transformation des aliments est également essentiel. Aujourd’hui, les produits transgéniques cultivés ou importés en Europe sont essentiellement destinés à l’alimentation du bétail. Les animaux nourris aux OGM n’étant pas étiquetés, la coexistence n’est en général pas un problème. "Certains opérateurs ont cessé d’opérer une ségrégation entre les aliments OGM et non-OGM à destination des animaux", relèvent les chercheurs.

Pour les OGM destinés à l’alimentation humaine, ou si les animaux nourris aux OGM étaient étiquetés, diverses stratégies pourraient être utilisées pour séparer les productions : sites spécialisés, utilisation de lignes de production séparées ou tournant en alternance... Mais elles entraîneraient des surcoûts, évalués à 13 % par les industriels interrogés. "Ce sont ceux qui introduisent une nouvelle technologie qui doivent en assumer le coût", affirme Bernhard Koch, de l’université d’Innsbruck (Autriche), chargé de coordonner la partie juridique de Co-Extra.

Source :Lemonde.fr, Gaëlle Dupont, le 5 mai 2009