Les surfaces en plantes génétiquement modifiées ont encore progressé en 2009, par rapport à 2008. Selon l’Isaaa, organisation qui promeut les PGM dans les pays du Sud, on est passé de 125 millions d’hectares en 2008 à 134 millions, soit une augmentation de 7%. L’Isaaa annonce aussi que 25 pays cultivent des OGM... Tous ces chiffres sont à mettre en perspective pour atténuer l’aspect « propagande » de ce rapport.

134 millions d’hectares cultivés avec des plantes génétiquement modifiées : c’est près de 9% des terres arables mondiales ou moins de 3% des terres agricoles totales (en incluant les prairies naturelles). On ne peut donc pas nier que les PGM peuvent, du moins à court terme, pour certaines productions et dans un schéma économique particulier, rencontrer une certaine demande. Cependant, il est important de contextualiser ce chiffre. L’Isaaa note une augmentation de 7% par rapport à 2008. Mais, d’une part, l’enthousiasme pour les PGM se ralentit : entre 2005 et 2006, les surfaces ont augmenté de 14,84 millions d’hectares (Mha), entre 2006 et 2007, de 12,3 Mha, entre 2007 et 2008, de 10,7 Mha, entre 2008 et 2009, de 9 Mha. D’autre part, cette augmentation est principalement le fait du Brésil, qui, à lui seul, a participé à 60% de cette augmentation, avec une progression de 5,4 Mha. Viennent ensuite les Etats-Unis (+1,5 Mha), l’Inde (+0,8 Mha) et le Canada (+0,6 Mha). En conclusion, la croissance des surfaces a profité principalement aux pays les plus engagés dans les cultures transgéniques. Cette augmentation ne permet donc pas de conclure à un enthousiasme mondial pour les cultures transgéniques. D’ailleurs, comme depuis plus de dix ans, ce sont toujours les mêmes pays qui se sont engagés dans cette voie agronomique. Les Etats-Unis continuent d’accueillir la majorité des cultures transgéniques mondiales (47,8%), suivi de ses confrères sud-américains : le Brésil (16%) et l’Argentine (15,9%). Ainsi, l’ensemble des pays américains cumulent plus de 88% des cultures GM mondiales. L’Isaaa annonce 25 pays qui cultivent des PGM. Sur 183 pays, c’est peu, d’autant que 19 pays ont des surfaces dédiées aux PGM très réduites, qui, cumulées, atteignent 6,7 Mha, soit 11% de la surface étatsunienne cultivée avec des PGM. Là encore, on est loin de pouvoir en conclure à un enthousiasme également réparti.
En 2009, un pays a rejoint le club des transgéniculteurs, le Costa Rica, mais un autre en est sorti, l’Allemagne. D’une façon générale, plusieurs pays ont arrêté les cultures commerciales de PGM : la France, la Bulgarie, l’Iran, l’Indonésie... S’ils ne l’avaient pas fait, ils seraient actuellement 30.

Plus de 97% des petits agriculteurs ne cultivent pas de PGM

L’Isaaa annonce « qu’en 2009, 13 millions parmi les 14 millions d’agriculteurs, soit 90 pour cent, étaient de petits exploitants à faibles ressources dans des pays en voie de développement ». Les PGM seraient-elles bien adaptées aux petites agricultures ? Une mise en contexte nous apprend au contraire que l’adoption des PGM par les petits paysans est loin d’être massive : il y a dans le monde 1,34 milliard de paysans (population active agricole mondiale, 1998), dont 817 millions (en 1985) étaient considérés comme des petits paysans. Il y a 530 millions de fermes dans le monde, dont 513 millions sont de moins 10 hectares. Ainsi, si les estimations de l’Isaaa sont exactes - mais comment les vérifier ? - ce sont seulement entre 1,6% et 2,5% des petits paysans qui utilisent la technologie génétique, suivant que l’on considère le nombre de petits paysans ou le nombre de petites fermes.

Nombreuses autorisations mais très peu utilisées

« Le soja GM continue d’être la PGM la plus répandue, occupant 52% des 134 millions d’hectares et la tolérance à un herbicide le caractère le plus répandu, 62% ». Cette répartition est donc la même depuis plus de 15 ans. Avec trois autres plantes - maïs, coton et colza - et une autre modification génétique - la production d’un insecticide - on atteint 99% des PGM cultivées dans le monde. Malgré cette réalité tenace, l’Isaaa, se gargarise qu’ « un total de 762 autorisations a été donné pour 155 événements dans 24 espèces, en incluant une rose GM bleue cultivée au Japon en 2009 ». Pour nous, il s’agit plutôt d’un aveu d’échec, car cela nous apprend que malgré de nombreuses autorisations , peu de variétés sont cultivées. Il n’existe donc pas de marché pour ces PGM. 

L’Isaaa se tire une autre balle dans le pied, quand, dans son communiqué de presse, elle annonce qu’« une des avancées les plus importantes réalisées en 2009 » est une nouvelle étape de franchie pour le riz GM en Chine... mais la commercialisation de ce riz, l’Isaaa le reconnait elle-même, n’interviendra pas avant deux ou trois ans. Pour être plus précis, cela fait de nombreuses années que les promoteurs des OGM attendent le riz GM... Il leur faudra donc encore patienter et gérer, en attendant, les fortes contaminations http://www.infogm.org/spip.php?mot44 dont ce riz non autorisé est déjà responsable... En 2009, Bayer a été condamné par un tribunal états-unien pour n’avoir pas su éviter la présence de gènes illégaux dans les cargaisons de riz, contamination ayant entraîné une perte financière estimée à plusieurs millions de dollars.

Une autre céréale attend aussi depuis longtemps que le marché et l’opinion des consommateurs « s’ouvrent » aux modifications génétiques : le blé. L’Isaaa écrit dans son rapport annuel : « Le blé reste la culture d’aliment de base principale sans caractère introduit approuvé. Toutefois, la volonté politique pour sa culture s’accroît au niveau international ». De quelle volonté politique parle-t-elle ? Récemment, une campagne, qui a réuni plus de 230 organisations, réparties dans 26 pays, demande l’abandon définitif du projet de Monsanto de commercialiser son blé transgénique. Au Canada, plusieurs organisations professionnelles ont depuis longtemps mis en garde contre l’autorisation du blé GM alors que les principaux débouchés de ce blé, l’Italie et le Japon, sont des marchés hostiles aux OGM...

Aux Etats-Unis, deux autres plantes GM ont reçu une autorisation : la betterave et la luzerne. Or, pour ces deux PGM, les tribunaux états-uniens ont, à plusieurs reprises, ordonné la suspension des autorisations . Ainsi, pour la betterave Roundup Ready, « la Cour a estimé que le risque d’apparition de résistance chez les plantes avait été considéré de manière « superficielle » et a ordonné à l’USDA de conduire cette étude d’impact à la fois sur l’environnement et sur les questions économiques ». De même, en Afrique du Sud, le gouvernement a refusé d’autoriser une pomme de terre transgénique, argumentant que cette PGM posait de nombreux problèmes de biosécurité et de sécurité sanitaire et économiques.

Nuisance des PGM : de nouveaux éléments

Un argument majeur de l’Isaaa est le bénéfice substantiel des PGM par rapport à l’environnement. Un nouveau rapport de Charles Benbrook, directeur scientifique de l’US Organic Center, confirme, au contraire, que les PGM engendrent une plus grande consommation d’herbicide. Le chercheur parle d’une augmentation de pesticides de 144 500 tonnes par rapport aux quantités utilisées en l’absence de ce type de culture entre 1996 et 2009. L’une des explications est l’apparition galopante de « mauvaises herbes » devenues résistantes au Roundup. La résistance est aussi problématique avec les plantes Bt . Une étude menée par Pr. Tabashnik (Université d’Arizona), montre que des insectes peuvent développer des résistances à deux toxines différentes exprimées par la même PGM.

On l’a vu, le Brésil a été le grand vainqueur de l’année 2009, en matière de surfaces GM. Mais cette augmentation des cultures transgéniques s’est faite au détriment de la forêt amazonienne. En Argentine, chaque année, c’est environ 200 000 hectares de forêt qui disparaissent du fait de l’expansion du soja GM.

La fiabilité des PGM a aussi été entamée en 2009. En Afrique du Sud, trois variétés de maïs GM qui produisent un insecticide, cultivées sur 82 000 hectares sont « tombées en panne », ce que Monsanto a reconnu précisant que cette « panne [est] survenue lors du processus de fertilisation des semences en laboratoire ».

En 2009, les contaminations ont augmenté. Dans l’UE, elles ont même explosé de 400% en 2009, principalement à cause de l’arrivée illégale et incompréhensible du lin GM dans les boulangeries européennes. D’autres plantes, comme le riz, le maïs, la papaye, le soja, ont été contaminées par des PGM. Au total, l’UE a recensé 146 cas de contamination sur 2009, contre 35 cas en 2008. Ceci n’est pas propre à l’Europe. Au Japon, le colza GM continue d’envahir les routes aux abords des ports. La coexistence des cultures GM et non GM est extrêmement difficile, et implique une réglementation et une bureaucratie très coûteuse. L’étude européenne, Coextra, l’a de nouveau affirmé.

Au niveau sanitaire, il est toujours plus difficile d’obtenir des informations sérieuses. De nombreux débats ont agité l’année 2009, suite aux publications du Criigen, en France, et d’une étude sur la toxicité du glyphosate sur les embryons en Argentine. La seule certitude que nous avons est que les évaluations réalisées par les entreprises ne permettent pas de garantir l’innocuité de leur produit. D’ailleurs, à plusieurs reprises, en France, le Haut Conseil aux biotechnologies (HCB) a souhaité une révision de l’outil statistique utilisé pour déterminer l’innocuité des PGM (cf. p. 4).

En conclusion, nous pouvons affirmer que les PGM restent globalement peu plébiscitées, et leurs risques de plus en plus évidents.

Source : Christophe Noisette,Inf’OGM, mars 2010