La culture de plantes transgéniques fait peur à beaucoup de monde depuis ses débuts. Pour les partisans des OGM, ces craintes ne seraient que des fantasmes de science-fiction. Pourtant, ces soi-disant fantasmes semblent concorder de plus en plus avec la réalité. Lorsque des chercheurs enquêtent sur le colza génétiquement modifié cultivé aux Etats-Unis, les conclusions ont de quoi inquiéter.

La menace, rappelant étrangement l’histoire du monstre créé par Frankenstein, s’avère bien réelle. Les OGM ne sont pas des monstres fantasmés attendant le lecteur entre deux pages d’un livre, ils sont cultivés dans les champs sur les 5 continents et se retrouvent de plus en plus fréquemment dans nos assiettes.

Au beau milieu de l’été, l’annonce édifiante n’a pas eu l’écho qu’elle méritait. Pourtant, la découverte effectuée par une équipe de scientifiques de l’Université de l’Arkansas, vient confirmer les pires craintes au sujet des OGM (Organisme génétiquement modifié) cultivés en plein champ. La menace mise en évidence concerne plus précisément le colza (Brassica napus L. (Brassicaceae)) manipulé génétiquement pour résister à un herbicide total. Il apparaît que ces colzas prolifèrent en pleine nature (en-dehors des zones cultivées) et, par croisement, se transmettent et cumulent leurs modifications génétiques, en créant dans la nature de nouveaux OGM. Ainsi, à la stupéfaction des scientifiques, des protéines de résistance à deux herbicides différents (glyphosate de Monsanto et glufosinate de Bayer, pour ne pas les citer), ont été retrouvées dans un seul et même plant de colza, en dehors d’une zone cultivée...

Il est donc indispensable de se pencher sur cette découverte, pour comprendre ce qu’elle implique, à l’heure où des firmes multinationales répandent, sans aucun scrupule, leurs organismes transgéniques, sur toute la planète.

L’étude menée par Meredith G. Schafer (Biologiste) et Cynthia L. Sagers (Professeur en Sciences Biologiques à l’Université de l’Arkansas) a eu lieu aux Etats-Unis, dans l’Etat du Dakota du Nord (North Dakota), entre le 4 juin et le 23 juillet 2010. Elle consistait à parcourir des milliers de kilomètres (environ 5400 km) le long des routes de l’Etat (Interstate, State et County roads), pour y prélever des plants de colza « sauvage », et y chercher la présence de protéines à l’origine de la résistance à un herbicide ( protéine CP4 EPSPS pour la résistance à l’herbicide glyphosate, et la protéine PAT pour la résistance au glufosinate). Le protocole est le suivant : tous les 8 km (5 miles), une zone de 50 m de longueur sur 1 mètre de largeur est délimitée (des photos sont prises et les coordonnées GPS sont enregistrées). Si des plants de colza poussant à l’état sauvage sont présents, ils sont dénombrés et un de ces plants est collecté et analysé (TriatChek lateral flow test strips (SDIX, Newark, DE)).

L’équipe de scientifiques a tout d’abord constaté que les plans de colza « sauvage » étaient très souvent présents en grand nombre (de 0 à 175 plants au m²), ne semblant pas souffrir de l’épandage d’herbicide le long des routes. L’étude des plants collectés (406 spécimens) va en donner tout de suite la raison : environ 86% des plants de colza contenaient la protéine CP4 EPSPS ou la protéine PAT (les protéines « signatures » des OGM commercialisés par Monsanto et Bayer).

A ce stade l’étude ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà : Les OGM cultivés en plein champ ne se cantonnent pas, comme par magie, dans la parcelle où ils sont semés, et sont allègrement disséminés aux alentours. Le colza (environ 2 millions d’hectares cultivés aux USA) donne une graine petite et légère, facilement emportée par le vent et susceptible d’être dispersée au cours de son transport.

Mais, c’est là qu’intervient cette surprenante et inquiétante découverte : deux plants de colza « sauvage » collectés, contenaient à la fois des protéines de résistance à un herbicide présent dans le Roundup de Monsanto (le glyphosate) et à un herbicide concocté par Bayer (le glufosinate, commercialisé sous le nom de Liberty ou Basta). Bien évidemment, aucun OGM n’a été commercialisé avec ces caractéristiques de résistance à deux herbicides « concurrents » (mais comparable dans l’action destructrice attendue) en même temps. Et donc, l’existence de cette « double résistance » dans un plant de colza n’a pu survenir qu’en raison d’un croisement naturel, entre deux colza GM (Génétiquement modifiés) bien distincts, issus de cultures en plein champ.

« Ce constat nous porte à croire que ces populations sauvages sont devenues des populations bien établies. Techniquement parlant, ces plantes ne sont pas censées être en mesure de se développer dans la nature. », explique Meredith Schafer. Les colzas « sauvages » possèdent donc les traits caractéristiques des colzas GM et ils semblent pouvoir prospérer sans problème dans la nature. Plutôt inquiétant comme constat...

Pour couronner le tout, la faculté qu’a le colza de s’hybrider avec les « mauvaises herbes » (on connaît 40 espèces de plantes pouvant s’hybrider avec le colza, et plus de 10 sont présentes aux USA) qui l’entourent, va être à l’origine d’un problème majeur pour l’agriculture productiviste. Car ces herbes, dont les agriculteurs veulent se débarrasser dans leurs champs, vont acquérir les caractéristiques du colza transgénique : c’est-à-dire qu’elles deviendront elles-aussi insensibles aux épandages d’herbicide total. Donc, pour un gain temporaire et illusoire, ces agriculteurs foncent droit dans le mur, et peut-être plus rapidement qu’ils ne pourraient l’imaginer...

En étant optimiste, on pourrait envisager une interdiction de la culture des OGM en plein champ et un retour vers une agriculture conventionnelles raisonnées, voire une agriculture biologique, pour ne pas en arriver au désastre qui s’annonce.

Mais ces pratiques respectueuses sont directement menacées, en ce moment même, par l’extension des OGM et la contamination génétique qu’ils induisent.

Et ainsi, en étant pessimiste, on pourrait en conclure que le mal est déjà fait, les OGM sont cultivés par millions d’hectares sur tous les continents, les firmes produisant les OGM sont toutes-puissantes et leur emprise néfaste est inéluctable.

Vous préférez la première approche, n’est-ce pas ?

C’est une évidence, il n’y a pas de fatalité, et il y a forcément de nombreuses opportunités pour s’organiser et lutter contre cette menace qui est désormais identifiée...

Pour résumer à ce stade :
Les colzas GM cultivés en plein champ sont allègrement disséminés dans la nature environnante ;
On retrouve des colzas GM qui se développent assez facilement en-dehors des zones de culture (malgré la faible compétitivité du colza, constatée en temps normal) ;
Ces colzas peuvent se croiser et cumuler les traits caractéristiques de différents OGM. C’est-à-dire qu’un seul plant issu d’un croisement, produit 2 protéines différentes, résistant à 2 herbicides distincts, en créant ainsi une sorte de « monstre génétique » ayant échappé au contrôle de son créateur ;
Le colza ayant une capacité élevée à s’hybrider avec diverses « mauvaises herbes », il risque de transmettre ses modifications génétiques acquises (en laboratoire ou par croisement dans la nature) à des plantes sauvages, en créant d’autres « monstres », hors de tout contrôle ;
Ceci étant, un herbicide total perdra de son efficacité à « protéger » les cultures et n’aura plus vocation à être massivement répandu par les agriculteurs (ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle compte tenu de la toxicité des produits...). Mais dans ce cas, au lieu d’un seul herbicide total, plusieurs herbicides seront employés et en plus grande quantité (ce qui n’est pas vraiment une bonne nouvelle non plus...).

Néanmoins, comme on vient de le constater, le cas du colza GM confirme tout ce que l’on pouvait craindre sur les OGM cultivés en plein champ : dispersion dans la nature des OGM, prolifération quand ils rencontrent un terrain favorable, transmission du matériel génétiquement modifiés (à l’intérieur d’une même espèce et très probablement entre espèces différentes), et présence dans une même plante de caractéristiques génétiques d’OGM issus de firmes semencières distinctes, en créant ainsi une nouvelle combinaison (association) qui n’existe pas dans les OGM commercialisés...

Sources :
[Université de l’Arkansas : First Wild Canola Plants With Modified Genes Found in United States] - [Nature : Transgenic canola found growing freely in North Dakota] - [ESA : Evidence for the establishment and persistence of genetically modified canola populations in the U.S] - [The Huffington Post : Genetically Modified Gene Out of the Bottle and Running Wild ]

Source : Agoravox.fr, Septembre 2010