La Commission européenne vient de subir un sérieux revers dans le délicat dossier des organismes génétiquement modifiés (OGM). Les ministres de l’environnement de l’UE ont à une large majorité recalé sa proposition – défendue par John Dalli, le commissaire chargé de la santé européen – de laisser aux Etats la décision de permettre ou non la culture de plantes OGM sur leur territoire.

Malmenée la semaine dernière par les ministres de l’agriculture, cette proposition n’a pas trouvé grâce aux yeux des ministres de l’environnement, réunis jeudi 14 octobre à Luxembourg. Or, ce sont eux qui décideront de son sort.

"Nous refusons d’entrer dans la discussion tant que la Commission ne présentera pas des propositions répondant aux demandes votées à l’unanimité en 2008", a annoncé la secrétaire d’Etat à l’environnement française, Chantal Jouanno, lors d’un débat public avec ses homologues. "Les ministres de l’environnement de l’UE ont à l’unanimité demandé en décembre 2008 (pendant la présidence française de l’UE) un renforcement de l’évaluation des OGM, une analyse des conséquences socio-économiques de leur mise en culture et un renforcement de l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire, dont le rôle a été mis en cause", a-t-elle rappelé ensuite face à la presse. "Rien de cela ne nous a été fourni", a-t-elle déploré.

La majorité de ses collègues ont émis les mêmes doléances. "La Commission est là pour mettre en œuvre les décisions du Conseil, pas pour défendre d’autres orientations", a conclu Mme Jouanno.

DÉFIANCE CROISSANTE DE L’OPINION PUBLIQUE

Son homologue allemand, Norbert Rijttgen, a également rejeté la proposition de M. Dalli, car elle "remet en cause le marché intérieur", a-t-il affirmé. "Cette proposition ne suffit pas", a soutenu la ministre finlandaise Paula Lehtomhki. "Elle doit être modifiée", a jugé le Luxembourgeois Marco Schank. Seul le représentant des Pays-Bas s’est déclaré satisfait.

Tous les autres ont réservé leur décision définitive dans l’attente d’assurances qui leur permettent de fonder leur décision d’interdire la culture des OGM. "La Commission reste trop vague" sur ce point, a jugé l’Autrichien Nikolaus Berlakovich. John Dalli s’est engagé à "répondre à toutes les demandes d’ici la fin de l’année" et espère toujours éviter la mise à mort de sa proposition, qui sera soumise prochainement à l’examen du Parlement européen.

Seuls deux OGM sont actuellement cultivés dans l’UE : le maïs 810, du groupe américain Monsanto, qui attend le renouvellement de son autorisation, et la pomme de terre Amflora, développée par le groupe allemand BASF. Quinze autres organismes génétiquement modifiés, pour la plupart des semences de maïs, nécessitent une autorisation de culture. Or, la Commission n’entend pas geler le processus d’homologation. Une proposition pour le renouvellement de la licence du MON 810 est annoncée par John Dalli pour la fin de l’année.

Cette attitude lui a valu une sévère mise en garde de plusieurs ministres contre la défiance croissante de l’opinion publique. Le ministre irlandais Ciaran Cuffe lui a pour sa part demandé "comment il comptait prendre en compte" la pétition signée par plus d’un million de citoyens de l’Union européenne pour réclamer la suspension des autorisations de cultures et de commercialisation des OGM.

John Dalli a annoncé jeudi son intention de la réceptionner, mais "elle sera examinée quand un accord sera intervenu" sur la mise en œuvre de cette initiative prévue par le traité de Lisbonne, a-t-il précisé. Or, cet accord n’interviendra pas, au mieux, avant la fin de l’année, a averti le Parlement européen.

Pour aller plus loin :
• les textes régissant la culture des OGM

Source : Lemonde.fr, le 14 octobre 2010