Après des décennies d’attente, les opérations de décontamination de l’agent orange ont officiellement été lancées jeudi 9 août sur l’ancienne base américaine de Danang, dans le centre du Vietnam. Pour la première fois, les Etats-Unis sont directement impliqués dans cette opération de dépollution.

Le lieu, dont les alentours ont été interdits il y a seulement cinq ans, est l’un des trois sites les plus contaminés du pays, avec des concentrations toxiques 400 fois supérieures aux normes acceptables, selon de récentes études. Résultat : cancers, difformités des nourrissons et autres maladies liées à la dioxine sont plus élevés que la moyenne nationale, d’après les associations de victimes.

ENFANTS DIFFORMES ET CANCERS

La décontamination de Danang, d’un budget total de 43 millions de dollars (34,8 millions d’euros) financée en majorité par les Etats-Unis, doit durer quatre ans. Près de 73 000 mètres cubes de terre doivent être extraites de l’aéroport et chauffer à une température élevée jusqu’à ce que la dioxine présente dedans disparaisse. Mais "ce nettoyage arrive trop tard, parce que beaucoup de gens ont déjà été touchés", estime Nguyen Thi Hien, responsable de l’association des victimes vietnamiennes de l’agent orange/dioxine (VAVA) à Danang.

"Il y a toujours de graves conséquences de la dioxine de l’agent orange", a insisté jeudi lors de la cérémonie le vice-ministre de la défense vietnamien, Nguyen Chi Vinh. Quelque 80 millions de litres d’agent orange, ce défoliant contenant de la dioxine, ont été pulvérisés par les Américains pendant la guerre du Vietnam pour détruire la forêt et les cultures utilisées par la guérilla communiste. Un lourd héritage de guerre qui pèse entre les ennemis d’hier.

Hanoi affirme qu’entre 3 et 4 millions de Vietnamiens ont été touchés par les produits chimiques dispersés par les avions américains, et qu’un million d’entre elles souffrent toujours des conséquences. Aux alentours du site de Danang, enfants difformes et grands-pères souffrant de cancers vivent toujours les conséquences toxiques de la guerre.

LES AMÉRICAINS N’ADMETTENT PAS LEUR RESPONSABILITÉ

Les Américains continuent pourtant de contester le lien entre l’exposition au produit et les maladies. Un rapprochement "incertain", a de nouveau souligné le porte-parole de l’ambassade américaine, Christopher Hodges, lors de la cérémonie. Si les vétérans américains ont reçu des milliards de dollars pour des maladies liées à l’agent orange, le gouvernement américain et les fabricants de produits chimiques n’ont jamais admis leur responsabilité. En 2004, un groupe de Vietnamiens avait porté plainte aux Etats-Unis contre des entreprises productrices d’agent orange, mais l’affaire avait abouti à un non-lieu.

Depuis 1989 pourtant, Washington a donné 54 millions de dollars pour aider les Vietnamiens handicapés "quelle que soit la cause". L’enjeu est en effet devenu diplomatique entre ces deux anciens ennemis. Face aux ambitions chinoises en mer de Chine méridionale, Vietnam et Etats-Unis cherchent à resserrer leurs liens.

Source : Lemonde.fr, le 9 Aout 2012