L’histoire de Monsanto est entachée de nombreux scandales qui remontent à l’époque où elle n’était encore qu’une entreprise de produits chimiques. La dissimulation de la toxicité des PCB et de la dioxine ou encore de l’agent orange à la fin des années 70 en sont des exemples. Plus récemment, la firme a été condamnée à deux reprises aux Etats-Unis et en France pour publicité mensongère sur son produit phare le Roundup, marquant une continuité avec les techniques de désinformation qui ont fait leur preuves dans le passé.


En commençant à développer ses activités vers les biotechnologies et l’agroalimentaire, Monsanto comprit rapidement qu’il était primordial de se débarrasser de cette image dommageable de « pollueur », et ce afin de regagner la confiance des consommateurs.

En avril 1995, Monsanto engage Robert Shapiro à la tête du groupe (où il restera jusqu’en janvier 2001), avec pour mission d’opérer la transition qui permettrait à l’entreprise de devenir leader sur le marché des semences. Pour cela, un vaste processus de fusion-acquisition est engagé, visant à racheter les principaux fournisseurs de semences du globe, et plaçant aujourd’hui Monsanto numéro deux mondial après Pionneer.

Robert Shapiro, réputé pour son charisme et sa force de conviction, sera vite surnommé l’« évangéliste en chef de la biotechnologie », le « faiseur d’image » ou encore le « gourou de Monsanto » par la presse américaine.
Au-delà de ses objectifs commerciaux, sa mission est claire : faire accepter les biotechnologies par le grand public et révolutionner l’image de Monsanto. Il souhaite un « nouveau Monsanto » pour « sauver la monde » avec pour nouveau slogan commercial : « nourriture, santé et espoir ».

Ainsi, Robert Shapiro galvanise ses troupes et les consommateurs en leur promettant des plantes fabriquant des plastiques biodégradables, des maïs produisant des anticorps contre le cancer, des huiles de colza ou de soja protégeant contre les maladies cardiovasculaires, catégorie d’OGM connus sous le nom d’ « alicaments ».

Cependant, aujourd’hui encore, ces « alicaments » sont au stade expérimental et ceux qui ont été testés laissent sceptique. Citons pour exemple le « riz doré », génétiquement modifié pour produire de la béta-carotène (vitamine A), dont les qualités nutritionnelles laissent dubitatifs les experts. En effet, pour ingérer une dose quotidienne suffisante de vitamine A, un enfant devrait accomplir l’exploit gargantuesque d’ingurgiter 3,7 kg de riz doré par jour, alors que deux carottes, une mangue et un bol de riz normal suffisent . Ces « alicaments » ne sont que la « carotte » agitée par les producteurs d’OGM pour imposer leurs semences transgéniques, tout en couvrant leurs velléités mercantiles d’un pudique voile de bienfaiteurs de l’humanité.

Au delà de cette propagande humaniste et écolo, c’est toute une stratégie commerciale et marketing qui est mise en place par Monsanto, appelée en interne « biotech acceptance ». Il s’agit d’une stratégie de conquête commerciale, mêlant acceptation et soumission des consommateurs aux OGM par une inondation des marchés. Les cas du Brésil ou du Paraguay sont de bons exemples car les OGM étaient déjà sur le marché avant leur acceptation légale (Lire "L’introduction clandestine des OGM au Brésil et au Paraguay"). Citons encore le cas des Etats-Unis où il n’est légalement pas nécessaire d’étiqueter les produits contenants des OGM, empêchant de fait les consommateurs de choisir librement leur alimentation.

Cette stratégie d’acceptation passe aussi par la propagande télévisuelle. Un article du Monde Diplomatique de 2001 explique que « aux Etats-Unis, les spots télévisés sont directement achetés par l’organe de propagande des entreprises du secteur, le Council for Biotechnology Information. Monsanto est cofondatrice de cet organisme qui centralise les informations relatives aux « bienfaits des biotech ». M. Tom Helscher, directeur des programmes de biotechnology acceptance éclaire d’ailleurs Monsanto, à Crève-Coeur (Missouri) [1] : « La télévision est un outil puissant pour faire accepter les biotech. Alors surveillez les spots publicitaires et faites-les voir à votre famille et à vos amis ».

Reste que dans l’Union Européenne, grâce à des consommateurs plus attentifs, la commercialisation agressive de Monsanto et l’imposition des OGM ne sont pas acceptées. Cette vigilance citoyenne pousse Monsanto a utilisé tous les leviers dont il dispose via son réseau de personnalités publiques. Depuis de nombreuses années, la firme a su établir un réseau international constitué de décideurs politiques et de scientifiques influents pour soutenir son action. Ces personnalités publiques soutiennent ouvertement les nouvelles biotechnologies et cherchent à convaincre leur public des bienfaits des OGM. 
De plus, dans sa stratégie globale, Monsanto cherche aussi à convaincre les jeunes, « les consommateurs et les décideurs de demain », en organisant par exemple des jeux concours dans les écoles d’Irlande comme le Biotechnology Challenge 2000. Les trophées de ce concours seront distribués en personne par M. Byrne, le commissaire européen chargé de la protection de la santé des consommateurs.

Enfin, la propagande de Monsanto vise souvent à diaboliser ses opposants les plus farouches, comme les groupes écologistes, en les présentant comme des « luddites » et des réactionnaires hermétiques au progrès.

Pour conclure, n’oublions pas que la vigilance citoyenne et la liberté d’expression restent deux valeurs sûrs afin de garder le débat ouvert et démocratique.





[1“Enquête sur une stratégie de communication,Comment Monsanto vend les OGM”, Article de Agnès Sinaï, le Monde diplomatique, juillet 2001.