La FDA, malgré les avertissements de certains de ses experts scientifiques, comme le Dr Burroughs, ou encore les recommandations du Congrès, a autorisé le 5 novembre 1993 la mise sur le marché du Posilac, le nom commercial de la rBGH de Monsanto.


En outre, au cours des années 80 et 90, elle a changé ses objectifs pour permettre au nouveau marché porteur des biotechnologies de se développer sans entrave règlementaire, comme le souhaitaient M. Reagan et M. Bush. Cependant il faut bien comprendre que la rBGH est le produit le plus controversé jamais autorisé par la FDA, car ce produit n’a qu’une une visée strictement économique d’hyperproduction qui ne bénéficie ni aux clients ni aux animaux. Alors même que de nombreux doutes sanitaires pèsent sur le Posilac (pus dans le lait, résidus d’hormones et d’antibiotiques), la FDA aurait du être plus strict que jamais afin de remplir sa mission de protection du consommateur. En pratique et à l’opposé, elle a modifié sa règlementation afin d’introduire le concept de « risque gérable » (« manageable risk ») d’après un document interne datant du 31 mars 1993. Alors même que selon le Food Drug and Comestic Act, aucun produit mis sur le marché ne devrait poser un risque pour la santé des consommateurs, les agents de la FDA ont changé la réglementation afin de l’adapter aux besoins de Monsanto pour la commercialisation de la rBGH. Cela a été permis par l’infiltration et le noyautage de la FDA par des agents proches de Monsanto comme Margaret Miller et Michael Taylor, alternant des carrières entre le secteur privé, chez Monsanto, et le secteur public, à la FDA, selon le systèmes connus des « portes tournantes » (« Revolving Doors »).

Le réseau est assez vaste au sein de la FDA pour contrôler les différents échelons du processus décisionnel, allant des chercheurs jusqu’à des postes de supérieurs hiérarchiques, voir la direction de la FDA. Ainsi, l’une des chercheuses de la FDA en charge du Posilac, est Susan Sechen une ancienne étudiante et assistante du Pr Dale Bauman qui avait été payé par Monsanto pour testé l’hormone transgénique à l’université de Cornell.

La supérieure hiérarchique du Dr Sechen était Margaret Miller, qui a travaillé chez Monsanto de 1985 à 1989 en temps que chercheuse sur la rBGh, pour ensuite quitter la firme de St Louis et devenir « deputy director » du bureau sur les nouvelles drogues animales, un poste stratégique pour l’homologation de la rBGH. Elle est l’adjointe du docteur R. Livingston, le directeur du bureau de l’évaluation des nouveaux médicaments au Centre de Médecine Vétérinaire (CVM) de la FDA. Ces deux responsables vont prendre en charge le processus d’homologation du Posilac et faire en taire les voix dissidentes au sein de l’agence comme celle de Burroughs. Ainsi le 16 mars 1994, des agents de la CVM expriment leurs inquiétudes dans une lettre anonyme adressée à l’administrateur de la FDA, mais aussi à la Commission d’enquête du Congrès (GAO), dans laquelle on peut lire ces paroles inquiétantes :
« Nous avons peur de parler ouvertement à cause des représailles du directeur, le docteur Robert Livingston, qui harcèle toute personne exprimant une opinion opposée à la sienne, préviennent les whistleblowers. L’origine de notre inquiétude, c’est que le docteur Livingston a fait écrire au docteur Miller une réglementation sur l’usage des antibiotiques dans le lait. Celle-ci a fixé, de manière arbitraire et sans base scientifique, le taux de résidu permis à 1 ppm [partie par million], sans aucun test préalable pour la santé du consommateur. Ce taux serait valable pour un antibiotique. Mais une vache peut être traitée avec plusieurs antibiotiques et chacun d’entre eux serait donc autorisé à un taux de 1 ppm sans test supplémentaire. Les effets des différents antibiotiques peuvent s’ajouter, mais cela n’est pas pris en compte. »
Cette lettre met en lumière ce que peuvent être les manipulations mises en place par les amis de Monsanto. En pratique, cette nouvelle règlementation arbitraire permet de résoudre l’un des problèmes majeurs posés par le Posilac : les résidus d’antibiotiques dans le lait.
Rappelons que l’organe d’investigation du Congrès, le GAO, s’était montré préoccupé par les résidus d’antibiotiques et avait demandé à la FDA que soient faites des études complémentaires. Cette demande resta lettre morte et au contraire, la FDA, à l’initiative de M. Miller, a revu sa règlementation pour permettre des taux d’antibiotique plus élevé dans le lait.

A la suite de ces événements, une nouvelle enquête a été ouverte par le GAO afin de déterminer s’il y avait eu un « conflit d’intérêts » entre Monsanto et trois de ses ex-employés, depuis à la FDA, à savoir Susan Sechen, Margaret Miller et Michael Taylor, l’éminence grise des juristes de la FDA…Cette enquête n’aboutira pas et aucune charge ne sera retenue contre les personnes mises en causes.