Article traduit de l’original : Critical Pesticide Program Cut.
Par Annie Bell Muzaurieta, pour le The Daily Green, le 21 Mai 2008.

Chaque année le National Agricultural Statitics Service de l’USDA, le Ministère Américain de l’Agriculture, conduit des recherches sur les pesticides et les risques associés à l’usage de ces produits chimiques sur divers récoltes comme le coton, le maїs, le soja ou encore le blé, puis l’organisme rend public les résultats de son étude. Ces données sont exploitées par les groupes de l’industrie chimique mais aussi par des groupes d’intérêt public et par les autres agences gouvernementales afin de suivre l’évolution de l’usage et de la sécurité des pesticides. Beaucoup affirment que ces études annuelles étaient les seules données fiables avec un accès public à l’ensemble des résultats.

Cependant en 2007, l’USDA a réduit sa collecte de statistiques et a seulement partagé ses informations sur les récoltes de coton, de pommes et de pommes bios. Maintenant l’USDA annonce l’élimination complète du programme en 2008 à cause de coupes budgétaires et par conséquent l’arrêt de la collecte de toutes données concernant les pesticides.

Une décision qui inquiète au plus haut point.

Des lettres ont été envoyées au Secrétaire à l’Agriculture par les nombreux groupes d’intérêt public, comme Greenpeace, le Natural Resource Defense Council (NRDC), l’Organic Center, le WWF ou encore des groupes industriels comme Syngenta Crop Protection, Del Monte Foods Inc., ou l’American Soy Bean Association (pro-OGM), qui s’inquiètent de voir disparaître une des seules bases de données publiques.

« C’est une chose sans précèdent que de voir ces divers acteurs, aux intérêts différents voir opposés, être tous du même coté, y compris l’EPA et les agences fédérales » déclarait Jennifer Sass, une scientifique travaillant pour le Natural Resource Defense Council.

On peut comprendre aisément pourquoi les associations d’intérêt public veulent pouvoir suivre l’évolution de l’usage des pesticides, mais pourquoi les groupes industriels s’inquiètent-ils aussi de la disparition des données publiques ? D’après Charles Benbrook, un scientifique de l’Organic Center, « les entreprises marchandes reconnaissent que sans les données de l’USDA, elles deviennent vulnérables aux revendications d’un grand nombre de parties risquant de leur réclamer des comptes pour l’usage de pesticides sur les récoltes. » car ces données servent aussi à informer les agriculteurs sur les développements de nouvelles maladies ou fléaux pouvant toucher leur récolte.

Alors que l’USDA prétexte une coupe budgétaire pour justifier l’arrêt du programme de surveillance, d’autres personnes pensent que les raisons financières invoquées sont un leurre. Bill Freese, analyste politique pour le Center for Food Safety, dénonce « un sérieux coup dur pour tous les efforts qui ont été faits afin d’améliorer la sécurité de notre agriculture. L’USDA déclare qu’elle n’a plus d’argent, mais ce n’est pas une excuse valable. Si vous voulez que cela soit fait, vous en faites une priorité et cela se fera. »

Freese ajoute que l’inquiétude est d’autant plus grande que l’on a assisté à une augmentation importante de l’usage des pesticides ces dernières années, notamment pour la culture des OGM. 

Il est intéressant de noter que parmi les signataires de la lettre au Ministère de l’Agriculture, un nom important ne faisait pas parti de la liste, il s’agit de Monsanto, l’entreprise productrice des semences transgéniques résistantes à son herbicide vedette le Roundup (technologie Roundup Ready), dont le principe actif est le glyphosate.

Benbrook trouve curieuse la décision de l’USDA au moment même où l’utilisation d’herbicide sur les cultures Roundup Ready est en augmentation : « Les données de 2007, si elles avaient été publiées, auraient montré une énorme augmentation de la quantité d’herbicide appliquée sur les cultures Roundup Ready, surtout le soja. Depuis quelques années, les médias concernant la vie agricole sont remplis d’histoires contant les déboires des cultivateurs devant affronter des mauvaises herbes de plus en plus résistantes au Roundup et autres herbicides. Je trouve curieux que l’USDA stoppe sa collecte d’informations au moment même d’un regain d’intérêt et de besoin pour des informations solides sur l’usage des pesticides, notamment concernant les cultures de soja. Je ne serais pas surpris d’apprendre que Monsanto ait mené une campagne de lobby discrète pour mettre fin au programme. »

Alors qu’il n’est plus possible de revenir en arrière pour obtenir les données de 2007, Benbrook et les autres espèrent que l’USDA va retrouver ses esprits et collecter ces informations cruciales sur le maїs, le soja, le blé et le coton pour l’année 2008.

Source : The Daily Green