Le 25 Mars 2008
D’après un article recueilli sur le site de l’association inf’OGM

Le Brésil et l’Argentine ont mis en place les droits de propriété intellectuelle sur les inventions biotechnologiques suite à leur adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), à travers l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle touchant au Commerce (ADPIC).

L’ADPIC laisse aux Etats-membres la possibilité de choisir entre le droit d’obtention végétale ou le droit de brevet. Les pays en développement, dont l’Argentine et le Brésil, ont choisi, pour la plupart, le droit d’obtention végétale (DOV), considéré comme plus favorable pour les agriculteurs et entreprises semencières nationales.
Malgré ce choix, force est de constater pourtant que le contrôle de la production nationale de semences par des entreprises étrangères productrices d’OGM s’est imposé rapidement. Un mélange de fait et de droit - droit international, contrats entre des entreprises semencières multinationales et des entreprises ou coopératives brésiliennes, importations illégales de semences GM, choix du gouvernement brésilien de légaliser la situation - a fait rapidement du Brésil, une terre de production et d’exportation de sojas GM, malgré des décisions de justice défavorables... De plus, certains effets inhérents à la propriété intellectuelle n’apparaissent que maintenant, tels que l’exigence de la part du titulaire du droit de brevet de percevoir les redevances attachées à son brevet, alors que la variété vendue, illégale, ne devrait pas être protégée.

 

Droits de propriété intellectuelle et semences au Brésil

 

Le droit de la propriété intellectuelle est une branche du droit marquée autant par le haut niveau de technique juridique qu’il requiert que par la force des intérêts économiques qu’il sert. Les pays innovateurs font évoluer le champ d’application du droit de brevet en fonction de l’évolution de la technologie comme l’a montré l’introduction de la brevetabilité des organismes vivants avec l’avènement des biotechnologies. C’est ainsi que les Etats-Unis, le Japon et l’Europe ont décidé la brevetabilité des plantes, des gènes et, pour les Etats-Unis, des variétés végétales. Au-delà, les démarches sont différentes, puisque les Etats-Unis obligent ses agriculteurs à payer des redevances chaque année pour l’usage des gènes brevetés, alors que l’Europe interdit la brevetabilité des variétés végétales et dispose d’un régime juridique plus favorable aux agriculteurs qui jouissent du droit de ressemer leur récolte moyennant une contribution beaucoup moins favorable à l’obtenteur.
A l’OMC, les pays innovateurs ont imposé le principe de la brevetabilité pour toutes inventions technologiques, les pays restant libres d’imposer certaines exclusions à cette brevetabilité généralisée. C’est le cas pour les organismes vivants : la seule obligation internationale est de breveter les microorganismes GM. Les Etats sont donc libres de ne pas accepter le brevet sur les plantes et les animaux, mais sont obligés de prévoir pour les variétés végétales un droit de propriété intellectuelle sui generis et “efficace”.
Les pays innovateurs en biotechnologies considèrent les gènes comme une molécule chimique, brevetable en tant que telle, indépendamment de la plante ou de l’animal dans lesquels ils sont actifs ; c’est ce qui explique qu’un agriculteur qui réensemence son champ avec une variété végétale contenant un gène breveté puisse être considéré comme contrefacteur du gène, puisqu’il a, par son semis, reproduit le gène sans autorisation (cas de l’affaire Percy Schmeiser). D’autres Etats considèrent les gènes, non pas pour eux-mêmes, mais uniquement comme une partie de la plante. Et ainsi, leur droit interdit de breveter les gènes contenus dans une plante, étant considérés comme un élément indissociable de l’ensemble. Dans cette optique, les plantes n’étant qu’une combinaison des séquences d’ADN, on ne peut pas éviter la brevetabilité des plantes, sans exclure par voie de conséquence la brevetabilité des gènes, car ce brevet signifierait en effet un brevet indirect sur la plante.
Aux Etats-Unis, les plantes et les variétés sont brevetables en tant qu’objet entier ; il en va de même de chaque gène “inventé” et inséré dans la variété. La brevetabilité des gènes permet non seulement la brevetabilité de la plante, mais encore l’addition de plusieurs brevets sur la même plante. Par contre, en Europe, répétons-le, la brevetabilité des gènes est prévue, mais elle ne s’étend pas à la variété qui les contient.

 

Le cadre juridique choisi par le Brésil.

 

Au Brésil, les inventions biotechnologiques sont réglées par les articles 10 et 18 de la loi 9.279 (1996). La loi établit, a priori, la brevetabilité de toutes les inventions. L’article 10 exclut de la définition de l’invention, “des découvertes, des théories scientifiques et des méthodes mathématiques” et “tout ou partie d’êtres vivants naturels et des matériels biologiques trouvés dans la nature, ou encore qui en sont isolés, y compris le génome ou germoplasme de tout être vivant naturel et les processus biologiques naturels”. Ce concept de découverte est interprété par les Etats de façon très différente. Aux Etats-Unis et en Europe, l’isolement de propriétés chimiques d’une plante par un procédé technique est suffisant pour considérer qu’il ne s’agit plus de quelque chose de pré-existant dans la nature. En Argentine et au Brésil, l’exigence d’activité inventive est plus forte. Les êtres vivants trouvés dans la nature ne sont pas considérés comme une invention dans leur tout ou en parties.
L’article 18, lui, définit la matière non-brevetable. Il dit expressément que les êtres vivants et parties d’êtres vivants ne sont pas brevetables, à l’exception des micro-organismes transgéniques. Pour éviter, aussi, des imprécisions par rapport à ce que serait un micro-organisme transgénique, le paragraphe unique, très discuté pendant le processus législatif, a apporté une solution consensuelle, excluant de la brevetabilité tout ou partie de plantes ou d’animaux. Il dit explicitement : “Aux fins de cette Loi, des micro-organismes transgéniques sont des organismes qui, à l’exception de tout ou partie de plantes ou d’animaux, expriment, par l’intervention humaine directe dans leur composition génétique, une caractéristique qui, normalement, n’est pas réalisable par l’espèce dans des conditions naturelles”. On voulait ainsi exclure la possibilité de breveter des cellules ou des gènes de plantes, génétiquement modifiées ou pas, présentées sous la forme d’un micro-organisme.
L’interprétation conjointe des articles 18 et 10 montre que, si l’homme modifie génétiquement des êtres vivants, qui ne sont pas des micro-organismes, ceux-ci ne pourront pas être brevetés. L’Argentine a aussi décidé d’empêcher la brevetabilité de plantes et d’animaux.
Les instituts nationaux de propriété industrielle des deux pays (INPI) continuent, cependant, à recevoir des demandes de brevets des entreprises semencières. Les brevets sont à chaque fois refusés, au regard de cette interdiction de breveter des parties d’êtres vivants. Néanmoins, la stratégie des entreprises tend à contourner cet interdit en utilisant les mécanismes de la demande internationale de brevet de semences. La première demande de brevet est faite dans le pays d’origine selon le droit de cet Etat, et étendue aux autres, ce qui évite de respecter le particularisme de la procédure de demande de brevet dans les autres pays ; c’est la “priorité unioniste”. Les conseils en brevet s’en servent devant les INPI brésilien et argentin [1] car elle assure la validité du brevet dans le monde entier. Ainsi, même si le brevet n’est pas octroyé dans le pays où il a été demandé originairement, cela n’empêche pas que d’autres pays puissent accepter cette demande. La priorité du premier demandeur assure son droit pendant une période raisonnable de temps, ce qui le protège contre les concurrents. De cette façon, même si le pays d’origine de la demande n’octroie pas le brevet de la plante, les concurrents sont interdits d’avoir des brevets sur le même objet ailleurs. Un autre moyen utilisé est d’identifier le gène par sa protéine, donc comme substance chimique brevetable. Il s’agit d’une nette distorsion de la présentation de la demande, dans le but d’obtenir la protection, qui va à l’encontre des lois fédérales qui interdisent la concession de droits des brevets sur les gènes [2].

En résumé, l’Argentine et le Brésil ne reconnaissent pas les brevets sur les semences. Les pays européens acceptent la protection par brevet de tout végétal qui n’affecte pas la forme d’une variété végétale, donc potentiellement une espèce qui serait nouvelle, ferait la preuve d’une activité inventive, etc. En revanche, la variété végétale fixée par ses critères d’homogénéité et stabilité, est totalement exclue de la brevetabilité, quelque soit son mode d’obtention. C’est une solution radicalement différente du choix américain qui admet la double protection d’une même variété végétale par les deux systèmes.

Retrouvez toutes les information sur le site d’Inf’OGM.





[1cf. les demandes n°PI1101069 0, PI1101070 3, PI1101050 9

[2Wolf, Maria Theresa. Patentes de pesquisas, http://www.dannemann.com.br/site.cf