Avant d’être le géant - et l’épouvantail - de l’agriculture transgénique que l’on connaît aujourd’hui, Monsanto était avant tout une entreprise spécialisée dans les herbicides.

Son produit-phare, le Roundup, se targuait d’être le "premier désherbant biodégradable, qui ne pollue ni la terre ni l’os de Rex". Des allégations fausses et condamnées en tant que telles, le produit étant loin de laisser le sol aussi propre que le laissait entendre la publicité.

Pas de quoi inquiéter cependant la firme américaine qui, dès les années 90, a amorcé un virage important vers les "biotechnologies végétales". En rachetant une par une les entreprises les plus en pointe sur le secteur, Monsanto a réussi, en moins de vingt ans, à s’affirmer comme un acteur incontournable des plantations génétiquement modifiées. Une plante a contribué plus que toutes les autres à sa croissance fulgurante : le maïs.

L’or jaune qui valait six milliards

Qu’il porte le numéro 802, 809 ou 810, comme la variété résistante aux insectes qui vient d’être à nouveau autorisée par le Conseil d’État en France - et bientôt à nouveau interdite -, les différents types de maïs modifiés mis au point par l’entreprise contribuent pour beaucoup à sa richesse. Il y a dix ans déjà, les semences de cette plante pesaient pour près d’un milliard de dollars dans ses comptes. En 2012, ce montant flirte avec les six milliards de dollars, en croissance de 21 % sur un an. Soit la moitié du chiffre d’affaires total de Monsanto.

Loin devant le coton ou les pesticides, le maïs est le premier contributeur aux bénéfices du groupe, qui ont dépassé les deux milliards de dollars l’année dernière (trente fois plus qu’en 2003). Ses marchés de prédilection ? À domicile bien sûr, mais aussi en Amérique du Sud, au Brésil notamment, et dans une moindre mesure en Europe (Espagne et Portugal).

Certes, devant les nombreuses réticences des pays européens à cultiver des PGM (plantes génétiquement modifiées), Monsanto a décidé récemment de retirer toutes ses demandes d’autorisation de ses semences dans l’UE... à l’exception du maïs MON810. La seule variété qui a vraiment réussi à percer sur le continent. Toutefois, le marché européen ne reste pas une cause perdue pour l’américain : les éleveurs, Français compris, ont de gros besoins en protéines végétales et importent du soja génétiquement modifié, autre légumineuse pour laquelle Monsanto est en pointe.

De nouvelles variétés prêtes à germer

Non seulement son maïs se vend de plus en plus, mais il se révèle aussi extrêmement rentable, surtout pour les actionnaires du groupe, dont les dividendes par action suivent chaque année la courbe des bénéfices. Pour assurer sa rentabilité, le secret de Monsanto réside dans ses nombreux brevets et licences d’utilisation sur ses semences, qu’il possède aux États-Unis et ailleurs. Qui dit licence dit donc redevances, qui garantissent des revenus pérennes au groupe. Par exemple, d’ici à 2018, le géant a déjà sécurisé près de 8 milliards de dollars liés aux "obligations contractuelles de ses clients", qui payent chaque année le droit de réutiliser ses semences génétiquement modifiées.

Que se passera-t-il alors quand les brevets expireront ? L’innovation menée en interne a déjà paré à ce problème. Le rapport annuel du groupe pour 2012 pointe ainsi l’expiration de la première génération de brevets sur le maïs, dite YieldGard, sur le marché américain en 2014. Cependant, la plupart des fermiers sont déjà passés à la seconde génération intitulée Genuity. De quoi préserver les parts de marché du groupe pour "la prochaine décennie", peut-on lire dans le document.

L’année 2013 doit d’ailleurs permettre à Monsanto de déployer grâce à cette nouvelle gamme de PGM des variétés de maïs résistantes à la sécheresse, et plus seulement aux pesticides et aux insectes. Une stratégie d’innovation dont le groupe use et abuse pour parler de semences "écologiques", au grand dam de ses détracteurs qui voient dans les produits de Monsanto un risque pour la santé et la nature. Quels que soient ces risques, le quasi-monopole dont jouit la firme sur le secteur des biotechnologies végétales ne devrait en tout cas pas être remis en cause du jour au lendemain. Hugh Grant, le P-DG, l’explique ainsi : "Je crois qu’il n’y a pas de meilleur investissement que nos agriculteurs." Car ce sont bien eux, et eux seuls, les meilleures "vaches à lait" de l’entreprise.

Source : Le Point.fr - Publié le 02/08/2013